Tout Savoir sur la Mutation et Rétrogradation Disciplinaire

1. Mutation et rétrogradation disciplinaire du salarié : guide pratique pour les employeurs

Dans un contexte économique actuel tendu, les employeurs cherchent des alternatives aux sanctions communes telles que les avertissements. L’idée est de gérer les comportements problématiques par l’utilisation du pouvoir disciplinaire, sans pour autant aller jusqu’au licenciement pour faute. La mutation et la rétrogradation disciplinaires offrent cette flexibilité. Elles permettent de sanctionner un salarié tout en conservant ses compétences au sein de l’entreprise, favorisant ainsi une possible rédemption professionnelle. Ces mesures envoient également un message fort aux autres employés sur les conséquences des écarts de conduite.

Cependant, leur mise en œuvre n’est pas sans embûches. Le respect scrupuleux du formalisme légal et des apports jurisprudentiels est crucial pour éviter tout contentieux ultérieur, notamment en cas de refus du salarié. Face à ces enjeux, une connaissance approfondie du cadre juridique et des limites du pouvoir disciplinaire s’avère indispensable.

Nous vous proposons un point complet sur ces questions.

Pour en savoir plus sur les sanctions disciplinaires, consultez notre dossier pour les employeurs : sanction disciplinaire du salarié fautif : mode d’emploi.

2. Comprendre la mutation et la rétrogradation disciplinaires

Définition et cadre légal


La mutation disciplinaire est une sanction qui consiste à déplacer un salarié d’un poste ou d’un lieu de travail à un autre au sein de l’entreprise. Contrairement à une simple réorganisation interne, elle intervient à la suite d’une faute commise par le salarié. La mutation disciplinaire permet de maintenir la relation de travail, tout en modifiant les conditions dans lesquelles celle-ci s’exerce.

La rétrogradation disciplinaire est une sanction plus lourde de conséquences pour le salarié. Elle se traduit par une diminution de ses responsabilités, voire une baisse de son statut hiérarchique au sein de l’entreprise. Cette mesure peut également entraîner une réduction de la rémunération. Contrairement à d’autres sanctions, la rétrogradation modifie donc le contrat de travail du salarié. Cela entraîne qu’elle ne peut intervenir sans son accord.

Bon à savoir : il y a quatre éléments essentiels au contrat de travail, dont la modification ne peut intervenir sans l’accord du salarié si ceux-ci ont été contractualisé :

    • la rémunération ;
    • la durée de travail ;
    • la qualification ;
    • le lieu de travail.

Quand et pourquoi les utiliser ?


Les motifs justifiant une mutation disciplinaire peuvent être variés. Il peut s’agir de comportements fautifs, tels que des tensions récurrentes avec des collègues, des manquements aux règles internes (non-respect des consignes de sécurité, par exemple) ou encore des actes d’insubordination.

L’idée est que la faute commise ne justifie pas nécessairement une rupture du contrat de travail, mais qu’elle impose une réorganisation pour éviter que la situation ne se reproduise.

La rétrogradation disciplinaire étant plus lourde de conséquences pour le salarié, doit être envisagée pour des fautes d’une plus grande gravité. On conseillera généralement à l’entreprise de n’envisager cette utilisation du pouvoir disciplinaire que pour des fautes les plus importantes.

Dans tous les cas, il est essentiel que l’employeur évalue avec soin et de manière dépassionnée, la gravité des faits au regard de plusieurs éléments, pour déterminer si cette sanction est proportionnée.

Plus d’informations sur l’évaluation de la gravité de la faute en rapport avec le pouvoir disciplinaire de l’employeur dans notre dossier pour les employeurs : sanction disciplinaire du salarié fautif : mode d’emploi.

Le principe de proportionnalité entre la faute commise et la sanction disciplinaire, rappelé par l’article L.1333-2 du code du travail est, en effet, rigoureusement contrôlé par les conseils de prud’hommes.

Conseils de votre avocat : 
Dans l’appréciation de la faute, prenez toujours en compte l’ensemble du contexte ayant entraîné les faits et notamment.

  • l’historique disciplinaire du salarié ;
  • les témoignages écrits des salariés s’ils existent ;
  • l’impact de la faute sur le fonctionnement de l’entreprise ;
  • les possibilités de désorganisation du travail qu’une sanction pourrait entraîner.

3. Mettre en œuvre la mutation ou la rétrogradation disciplinaire

Procédure commune à suivre

La mutation et la rétrogradation disciplinaire sont des sanctions qui ont des conséquences importantes sur la fonction du salarié, sa carrière et éventuellement sa rémunération.

La procédure disciplinaire prévue par les articles L.1332-1 et L.1332-2 du code du travail doit donc impérativement être appliquée.

Les étapes classiques de la procédure sont schématiquement les suivantes : 

  • convoquer le salarié à un entretien préalable à la sanction ;
  • tenir un entretien ou audition en présence du salarié ;
  • motiver et notifier la sanction décidée, dans le respect des formes et délais prévus par la réglementation.
Vous trouverez plus de détails sur la procédure dans notre dossier consacré à la sanction disciplinaire du salarié fautif : mode d’emploi.

Spécificités liées à la mutation et à la rétrogradation disciplinaire

Ces deux sanctions ont pour effet de pouvoir modifier le contrat de travail du salarié. C’est en particulier vrai de la rétrogradation disciplinaire qui touche les fonctions, la qualification, ainsi que parfois la rémunération de l’intéressé.

Cela peut aussi concerner la mutation disciplinaire dans certains cas de figure. Ainsi, cette sanction n’emporte modification du contrat de travail d’un salarié que dès lors qu’elle implique un changement de secteur géographique. Cette notion est appréciée par les juges en fonction de différents critères. Voir récemment à ce sujet, Cass soc 24/01/2024 n° 22-19.752.

Or, toute modification du contrat de travail d’un salarié doit faire l’objet d’un accord de sa part et doit être formalisée par un avenant.

À noter : en présence d’une clause de mobilité, il est nécessaire d’être très prudent et de considérer que son application pour des motifs disciplinaires, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié (Cass soc 16/12/2005 n° 03-44.843).

Il faut donc combiner cette exigence avec la procédure disciplinaire de droit commun qui a été rappelée ci-dessus.

Nous conseillons donc de suivre la séquence suivante.

    • Après l’entretien préalable, notifier la sanction par une proposition de modification du contrat de travail par une lettre adressée au salarié en recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Le salarié doit alors être informé de sa possibilité de refuser la modification. Un délai raisonnable doit lui être laissé pour se prononcer. Il conviendra de respecter les formes et délais prévus par la réglementation pour la notification de la sanction.
    • Enfin, faire signer au salarié un avenant à son contrat de travail, reprenant les nouveaux éléments contractuels sur lesquels l’accord a été préalablement donné.

4. Gérer le refus du salarié

Options de l’employeur

Comme nous l’avons rappelé, la mutation et la rétrogradation disciplinaire peuvent, le cas échéant, être refusées par le salarié.

Toutefois, le pouvoir disciplinaire de l’employeur n’est pas bloqué dans ce cas et un certain nombre d’options s’offrent à lui.

  • Il est toujours possible de renoncer à toute sanction. L’opportunité de cette option doit bien être pesée. L’employeur prend en effet le risque de se déjuger et d’amoindrir l’effectivité de son pouvoir disciplinaire à l’avenir.

  • L’employeur a également la possibilité de prononcer une sanction plus douce que la sanction initiale. Dans ce cas, il ne sera pas tenu de convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable.

  • Enfin une sanction plus sévère, telle qu’un licenciement, pourra être envisagée. Il faudra à ce propos s’assurer que les faits fautifs peuvent le justifier. Par ailleurs, il faut s’assurer que les garanties procédurales spécifiques au licenciement pour faute sont respectées.

Précautions juridiques

Un certain nombre de points de vigilance doivent être observés en la matière, pour éviter les contentieux coûteux et complexes.

  • En cas de refus de la proposition de sanction par le salarié, l’employeur dispose d’un nouveau délai de deux mois pour engager, s’il le souhaite, la procédure de licenciement disciplinaire. Ce délai court à compter de l’expiration du délai imparti au salarié pour se prononcer. Il est donc important de bien surveiller le calendrier.
  • D’après la Cour de cassation, l’acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail pour motif disciplinaire, ne lui interdit pas de contester par la suite cette sanction quant à sa régularité ou son bien-fondé (Soc. 14 avr. 2021, no 19-12.180). Raison de plus pour respecter à la lettre la procédure et le principe de proportionnalité dans l’exercice du pouvoir disciplinaire.
  • En ce qui concerne les salariés protégés, un licenciement envisagé après refus d’une modification du contrat de travail doit être précédé de l’autorisation de l’inspection du travail en vertu de l’article L.2411-1 du code du travail.
  • Si l’employeur met en œuvre une rétrogradation sans avoir préalablement requis l’accord du salarié, il épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ensuite un licenciement pour la même faute. Il est donc fondamental de bien matérialiser la demande d’accord au salarié.

La mutation et la rétrogradation disciplinaires sont des outils efficaces mais délicats dans leur application, notamment en cas de refus du salarié. Maître Clémence Richard, avocate spécialisée en droit social à Lyon, met à votre disposition une expertise approfondie pour vous guider avec efficacité dans l’exercice de votre pouvoir disciplinaire.

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Rédigé par Clémence Richard - Avocat