Le licenciement pour faute : pièges et subtilités

Un employeur peut parfois être confronté à des situations où le comportement d’un salarié met en péril le bon fonctionnement de l’entreprise.

Le licenciement pour faute peut alors sembler être la solution. Mais attention : ce processus est semé d’embûches juridiques et l’erreur peut coûter cher.

Entre faute simple, grave ou lourde, comment qualifier correctement les actes de votre employé ? Quelle procédure respecter pour éviter tout risque de contestation devant le conseil de prud’hommes ? Quelles indemnités pour le salarié après son licenciement ?

De la convocation à l’entretien préalable jusqu’à la rédaction de la lettre de licenciement, chaque étape est cruciale. Votre avocat en Droit du travail vous révèle les subtilités et les pièges de la procédure.

Pour en savoir plus sur les sanctions disciplinaires, consultez notre dossier complet pour les employeurs : Sanction disciplinaire du salarié fautif : mode d’emploi.

1. Les subtilités dans l’appréciation de la faute disciplinaire

La jurisprudence distingue trois types de fautes en fonction de leur degré de gravité. Leur distinction peut parfois être subtile. Il est important de bien les qualifier pour éviter des conséquences dommageables à l’entreprise.

Définition de la faute disciplinaire

Il n’y a pas de définition légale de la faute disciplinaire. L’article L. 1331-1 du Code du travail mentionne simplement « un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif ».

C’est donc la jurisprudence qui a défini les contours de la notion.
La faute a ainsi deux caractéristiques :

  • elle est professionnelle, ce qui implique que les manquements reprochés ne peuvent relever de la vie personnelle du salarié ;
  • la faute commise est en principe volontaire.
Bon à savoir : le critère volontaire permet de distinguer la faute disciplinaire des simples erreurs involontaires ou de l’insuffisance professionnelle. Ceci étant, en matière de sécurité des biens et des personnes, une imprudence involontaire peut donner lieu à des sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement pour faute grave (Cass Soc. 28 mai 2008, no 06-40.629).

Le licenciement pour faute grave ou lourde

La Faute Grave

Comme la faute simple, la faute grave n’est pas définie par le code du travail.

La jurisprudence en donne la définition suivante : la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. En d’autres termes, la faute commise est si grave qu’elle implique l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

Il en résulte les caractéristiques suivantes.

    • La faute grave implique une certaine réactivité dans l’engagement de la procédure. Elle doit intervenir dans un délai restreint après connaissance des faits fautifs allégués.
    • La faute grave est incompatible avec la réalisation d’un préavis du salarié et avec l’indemnité liée.
    • L’employeur peut recourir à une mise à pied conservatoire pour écarter immédiatement le salarié de l’entreprise.
    • Le licenciement pour faute grave prive le salarié de son indemnité de licenciement. L’indemnité compensatrice de congés payés reste toutefois due.
À noter : l’article L1332-4 du code du travail pose qu’aucune faute commise ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites au-delà d’un délai de deux mois. Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits fautifs. Il se termine avec la convocation à entretien préalable.

La Faute Lourde

La faute lourde suppose une intention de nuire du salarié (violences physiques, sabotages, etc.).

Attention : intention de nuire et caractère volontaire de l’acte fautif ne sont pas équivalents. Un salarié peut ainsi commettre un vol intentionnel sans pour autant vouloir nécessairement nuire à son employeur.

Le licenciement pour faute lourde exige, au même titre que pour la faute grave, une réactivité de l’employeur dans le déclenchement des poursuites. Elle produit les mêmes effets que la faute grave en matière d’indemnités. La seule indemnité restant due au salarié est ainsi l’indemnité compensatrice de congés payés.

La faute lourde ouvre à l’employeur la possibilité d’engager la responsabilité civile du salarié pour réparer le préjudice subi.

2. Les pièges de la procédure de licenciement pour faute

Rappel de la procédure

La procédure de licenciement disciplinaire repose sur plusieurs phases distinctes. Elles doivent être respectées sous peine d’annulation de la sanction.

Bon à savoir : outre le code du travail, il est indispensable de se pencher sur le règlement intérieur de l’entreprise et sur la convention collective applicable. Des règles particulières peuvent y figurer qu’il faut appliquer.

Voici les phases essentielles de la procédure.  

  • L’ouverture d’une enquête permettant d’objectiver les faits reprochés au salarié. 
  • La convocation du salarié à un entretien préalable.
  • L’entretien préalable
  • La notification du licenciement au salarié par une lettre motivée
  • L’envoi des documents de fin de contrat au salarié. 
  • La réponse à l’éventuelle demande de précision du salarié sur les motifs du licenciement prononcé. 

Pour plus d’informations sur le sujet, n’hésitez pas à vous référer à notre article sur la procédure de licenciement disciplinaire.

Enfin, l’avertissement au travail s’avère parfois incontournable pour l’employeur. En effet, certaines conventions collectives subordonnent le licenciement à la prononciation de 2 sanctions moindres en amont.

Quelques pièges procéduraux à éviter

La procédure de licenciement comporte tout de même un certain nombre de pièges. En voici deux qui nous semblent importants et utiles parmi d’autres.

Attention à la règle du non bis in idem

Selon ce principe, on ne peut sanctionner deux fois un salarié pour un même fait fautif.

L’application de ce principe à la réalité de l’entreprise peut être parfois subtile.

Ainsi, dans une décision de la Cour de cassation de 2019, un employeur reprochait à son salarié un certain nombre de faits distincts. Après la tenue de l’entretien préalable, il décide de notifier un avertissement pour une partie des faits survenus, puis de prononcer un licenciement pour les faits qu’il considère plus graves. Il faut noter que l’employeur avait connaissance de l’ensemble des faits à la date de l’entretien préalable. Les juges le sanctionnent pour non-respect du principe non bis in idem. L’employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour des faits antérieurs à la première sanction (Cass soc 16 janvier 2019 n° 17-22.557).

La prescription des faits fautifs et l’arrêt-maladie du salarié

Il faut savoir que le délai de 2 mois pour sanctionner évoqué plus haut, continue à courir lorsque le salarié est arrêté pour maladie et que son contrat de travail est suspendu.

Ce point est d’autant plus gênant que, comme on l’a vu, les juges exigent de la réactivité de l’employeur pour engager les poursuites en matière de faute grave.

Il est ainsi possible d’engager les poursuites pendant l’arrêt-maladie du salarié, et de le convoquer à un entretien préalable en tenant compte autant que possible de ses horaires de sortie autorisés. En cas d’impossibilité manifeste, il sera alors possible de reporter l’entretien à une date ultérieure.

Bon à savoir : en matière de faute grave, la jurisprudence tient cependant compte de l’absence du salarié pour apprécier l’exigence de réactivité de l’employeur dans l’engagement des poursuites. Elle considère en effet que cette absence rend l’analyse des faits plus difficile et plus longue (Cass Soc 7 décembre 2022 n° 21-15.032).

Comprendre et maîtriser les nuances du licenciement pour faute représente un enjeu crucial. En appliquant méticuleusement les principes et conditions exposés, vous minimisez les risques de contentieux et sécurisez votre démarche de rupture. L’appréciation des fautes disciplinaires – simple, grave ou lourde – nécessite une analyse fine et une approche pragmatique. Maître Clémence Richard, avocate spécialisée en droit social, vous conseille dans la gestion de vos licenciements pour faute.

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Rédigé par Clémence Richard - Avocat