Peut-on licencier une femme enceinte sans risquer une condamnation prud’homale ?
Oui, mais à une condition : que le motif de licenciement soit étranger à la grossesse et justifié par une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat de travail.
En dehors de ces cas, la protection absolue s’impose, notamment pendant le congé maternité et les semaines qui suivent.
Un employeur mal informé s’expose à une nullité du licenciement, au versement d’indemnités, voire à des sanctions pénales.
C’est pourquoi il est nécessaire de comprendre dans quelles conditions peut-on licencier une femme enceinte.
Sommaire
- Peut-on licencier une femme enceinte ? Ce que dit le droit du travail
- Dans quels cas le licenciement d’une salariée enceinte est-il légal ?
- Quels risques si l’employeur rompt le contrat de travail malgré la grossesse ?
- Comment sécuriser une procédure de rupture du contrat d’une salariée enceinte ? Mes 3 conseils
- FAQ
Peut-on licencier une femme enceinte ? Ce que dit le droit du travail
Non, vous ne pouvez rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, sauf en cas de faute grave ou si le maintien de son contrat est impossible pour une raison étrangère à son état (article L1225-4 du Code du travail).
Protection relative pendant la grossesse
Dans le cas où l’employeur a connaissance de la grossesse
Avant son congé de maternité ou d’adoption, la salariée bénéficie d’une protection dite
« relative » contre le licenciement. L’employeur ne peut rompre son contrat que dans 2 cas :
- Faute grave, non liée à la grossesse.
- Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
Cette protection débute dès que vous avez connaissance de la grossesse et se prolonge après le retour dans l’entreprise pendant :
- 10 semaines après la naissance de l’enfant (article L1225-4-1).
- 10 semaines après une fausse couche (14e à 21e semaine d’aménorrhée) : article L1225-4-3.
- 13 semaines en cas de décès d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans (article L1225-4-2).
Dans le cas où l’employeur ignore la grossesse
Si vous avez déjà licencié une employée enceinte tout en ignorant son état, celle-ci peut annuler la procédure en envoyant, dans les 15 jours de la notification :
- un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.
- ou une attestation d’adoption.
Le licenciement est alors automatiquement nul, sauf dans les 2 cas visés ci-dessus (article L1225-5 et L1225-39).
A retenir : peut-on licencier une femme enceinte ?
- Le licenciement est interdit, sauf exceptions strictes.
- Votre salariée n’a aucune obligation de vous informer de son état (article L1225-2), mais elle doit le formaliser pour bénéficier de la protection.
- Cette protection s’applique aussi au contrat à durée déterminée (CDD). Le contrat peut arriver à son terme sans renouvellement (article L1225-6).
- L’interdiction s’étend également au congé de présence parentale (article L1225-62), y compris pendant les périodes travaillées (congé fractionné ou temps partiel).
Interdiction stricte de licencier durant le congé maternité
Pendant le congé de maternité ou d’adoption (que la salariée use ou non de ce droit), la protection devient absolue. Autrement dit, aucun licenciement n’est autorisé, quel que soit le motif.
Cette interdiction s’étend :
- En cas d’un arrêt de travail lié à l’état pathologique de grossesse attesté par un certificat médical (= congé pathologique jusqu’à 2 semaines avant, 4 semaines après : article L1225-21).
Si vous vous interrogez sur d’autres cas similaires, comme la maladie classique, consultez notre article : peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? - Pendant les congés payés pris immédiatement après.
- Même en cas de retour anticipé de la salariée dans l’entreprise.
Préparer un licenciement pendant cette période est illégal, même si l’exécution est prévue après (Cass. soc., 1er février 2017, n°15-26.250).
Dans quels cas le licenciement d’une salariée enceinte est-il légal ?
Peut-on licencier une femme enceinte ? Même si la règle générale interdit de congédier une femme enceinte parce qu’elle est protégée, la loi prévoit 2 exceptions précises : le licenciement pour faute grave et l’impossibilité de maintenir le contrat.
Faute grave non liée à l’état de grossesse
Une faute grave peut justifier la rupture du contrat, à condition qu’elle soit étrangère à l’état de grossesse.
Elle doit être suffisamment sérieuse pour rendre impossible le maintien dans l’entreprise, même pendant le préavis.
Vous devez prouver que les faits ne résultent pas de la grossesse. En cas de doute, le bénéfice va à la salariée (article L1225-3).
Il peut s’agir notamment :
- D’absences injustifiées.
- D’une insubordination manifeste.
- De violences ou propos injurieux.
- De vol au sein de l’entreprise.
- De propos de dénigrement à l’encontre de l’employeur, y compris en ligne.
En cas de licenciement pour faute grave d’une salariée enceinte, la rigueur procédurale est essentielle. Vous pouvez vous appuyer sur cette fiche pratique sur les 8 étapes du licenciement disciplinaire pour sécuriser chaque phase.
Impossibilité objective de maintenir le contrat
Vous ne pouvez vous séparer de votre salariée enceinte, sauf en cas d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse.
Ce motif doit être :
- Indépendant de l’état de grossesse, l’accouchement ou l’adoption.
- Extérieur au comportement de la salariée.
- Réel et sérieux (fermeture définitive de l’établissement, suppression de poste non liée à la grossesse…).
- Justifié de manière rigoureuse.
En cas de licenciement pour motif économique, vous devez démontrer qu’aucune solution de reclassement n’était possible.
Bon à savoir : ce que doit contenir la lettre de licenciement !
La notification du licenciement d’une salariée enceinte doit être rédigée avec une extrême rigueur. Elle doit mentionner :
- Le motif précis (faute grave ou impossibilité de maintien).
- Les éléments factuels qui justifient la décision.
- La preuve que l’état de grossesse n’est pas en cause.
En l’absence de ces éléments, le licenciement sera automatiquement annulé pour violation du statut protecteur.
Avant d’envoyer la notification, posez-vous toujours la question : peut-on licencier une femme enceinte dans ce contexte précis et avec ce dossier ?
Et surtout, ne négligez pas la préparation de l’entretien préalable, qui reste une étape incontournable de toute procédure de licenciement.
Quels risques si l’employeur rompt le contrat de travail malgré la grossesse ?
Peut-on licencier une femme enceinte ? Un licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse peut vous coûter très cher : recours devant le tribunal, indemnités diverses, sanctions pénales…
Nullité automatique du licenciement et droit à réintégration
Un licenciement en violation de la protection liée à la grossesse (maternité, adoption, congé pathologique…) est nul de plein droit.
Même si vous ignoriez l’état de grossesse de la salariée, la nullité s’applique si celle-ci :
- Vous transmet un certificat médical justifiant de sa grossesse,
- Et ce, dans un délai de 15 jours après la notification de la rupture.
Dans ce cas, l’employée peut demander :
- Sa réintégration immédiate dans l’entreprise.
- Le règlement intégral des salaires dus entre la date de rupture et sa reprise effective.
Indemnités en cas de refus de réintégration
Si la salariée en état de grossesse ne souhaite pas être réintégrée, elle peut opter pour une indemnisation. Elle pourra alors percevoir :
- Une indemnité pour licenciement nul : minimum à 6 mois de salaire (article L 1235-3-1 et Cass. Soc., 23 février 2005, n°03-40.241).
- Les indemnités de rupture classiques :
- préavis même si elle ne peut l’exécuter : Cass. Soc., 5 juin 2001, n°99-41.186.
congés payés : Cass. Soc., 10 novembre 1993, n°89-42.302. - indemnité légale de licenciement ou conventionnelle le cas échéant.
- préavis même si elle ne peut l’exécuter : Cass. Soc., 5 juin 2001, n°99-41.186.
- Une compensation des salaires perdus depuis le licenciement, soit entre la rupture du contrat et l’expiration de la période de protection de 10 semaines.
Ces montants s’ajoutent aux éventuels dommages-intérêts pour préjudice moral, discrimination ou atteinte à la vie personnelle.
Sanctions pénales et image employeur
L’impact ne se limite pas aux Prud’hommes. En cas de discrimination liée à la grossesse, vous encourez :
- Jusqu’à 3 ans de prison.
- Une amende de 45 000 euros (article 225-1 et 225-2 du Code pénal).
Côté réputation, les risques sont bien réels :
- Mauvaise presse ou bad buzz sur les réseaux sociaux.
- Perte d’attractivité RH auprès des candidats et salariés.
- Dégradation du climat social interne.
- Difficultés à recruter ou fidéliser du personnel.
Ces conséquences immatérielles sont souvent sous-estimées, mais elles peuvent affecter durablement votre marque employeur.
Avant toute rupture, demandez-vous donc toujours : peut-on licencier une femme enceinte dans ce contexte précis ? C’est une précaution essentielle pour éviter la nullité de la procédure.
Comment sécuriser une procédure de rupture du contrat d’une salariée enceinte ? Mes 3 conseils
Même en présence d’un motif légitime, licencier une salariée enceinte reste une démarche sensible. Il faut donc s’assurer de ne commettre aucune erreur.
Vérifier la connaissance ou non de la grossesse
Un licenciement notifié sans que vous sachiez que la salariée est enceinte ne tombe pas immédiatement sous le coup de la nullité. C’est la connaissance de la grossesse au moment du licenciement ou dans les 15 jours suivants qui change tout.
Même en période d’essai, l’annulation peut s’appliquer si la salariée vous informe de sa grossesse dans ce même délai.
Gérer les preuves
Chaque échange, chaque décision doit être formalisée. C’est une garantie en cas de contentieux pour justifier le licenciement, mais aussi une façon de prouver votre bonne foi.
Mes conseils :
- Demandez un écrit pour toute information liée à l’état de grossesse.
- Conservez les justificatifs (accusé de réception, courriel daté, certificat médical).
Anticiper le contentieux avec un accompagnement juridique
En tant qu’employeur, vous avez tout intérêt à vous faire accompagner dès le début du processus. Une simple erreur de formulation ou de calendrier peut se retourner contre vous devant le conseil de prud’hommes.
Encore une fois, avant même d’envisager la rédaction d’une lettre de licenciement, il est toujours pertinent de se demander : peut-on licencier une femme enceinte dans ce cas précis, avec les éléments disponibles ?
Mon conseil, entourez-vous dès la phase amont pour faire :
- Vérifier la légitimité du motif (faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat).
- Rédiger une lettre de licenciement conforme, en respectant toutes les mentions obligatoires.
- Analyser la chronologie des événements (certificat médical, arrêt de travail, notification…).
FAQ
Quels sont les droits d’une salariée enceinte ?
Elle bénéficie d’une protection contre le licenciement, d’un congé maternité payé, du maintien de ses droits au contrat et peut demander un aménagement de poste si besoin.
Quel est le délai légal pour informer son employeur d’une grossesse ?
Aucun délai n’est imposé, mais pour activer la protection juridique, il est conseillé de prévenir par écrit avec un certificat médical mentionnant l’état de grossesse et la date présumée d’accouchement.
Est-il possible de licencier une femme enceinte pour inaptitude ?
Oui, uniquement si l’inaptitude est reconnue par le médecin du travail et sans lien avec la grossesse, après recherche d’un reclassement impossible.
Peut-on licencier une femme enceinte ?
Non, sauf exceptions strictes prévues par le Code du travail : faute grave ou impossibilité objective de maintenir le contrat. Il est donc fondamental de savoir quand peut-on licencier une femme enceinte légalement pour éviter la nullité de la procédure.
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