Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ?
Oui, mais pas n’importe comment. Une absence prolongée, une désorganisation du service, une inaptitude médicale ou un motif économique peuvent justifier une rupture du contrat…à condition d’être indépendants de l’état de santé du salarié.
Dans cet article, je vous aide à distinguer les motifs valables, à maîtriser les étapes de la procédure et à éviter les erreurs qui exposent votre entreprise à un risque prud’homal.
Motif disciplinaire, reclassement, désorganisation ou AT/MP : on fait le point.
Sommaire
- Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? Ce que dit le droit du travail
- Dans quels cas la rupture du contrat pendant un arrêt est-elle autorisée ?
- Comment engager une procédure de licenciement du salarié absent pour raisons médicales ?
- Quelles indemnités verser au salarié licencié durant son congé maladie ?
- Quels sont les risques d’un licenciement abusif ou mal motivé pendant un arrêt de travail ?
- Bonus : peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? Mes conseils
- FAQ
Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? Ce que dit le droit du travail
Oui, vous pouvez licencier un salarié en arrêt maladie, mais pas en raison de son état de santé.
Le principe de protection du salarié absent pour raison de santé
Un arrêt maladie suspend le contrat de travail, mais ne le rompt pas. Durant cette période, vous ne pouvez pas invoquer l’état de santé de votre préposé pour justifier un licenciement.
Le Code du travail (article L1132-1) interdit, en effet, de rompre un contrat en raison d’une pathologie. C’est une discrimination, même si l’absence du salarié vous met en difficulté.
Ce point est fondamental, car il pose les limites juridiques à notre question : peut-on licencier un salarié en arrêt maladie.
Les exceptions au principe
Vous pouvez envisager un licenciement pendant un arrêt de travail si vous vous trouvez dans l’un des cas suivants (nous y reviendrons plus loin en détail) :
- Faute grave ou lourde : acte rendant impossible le maintien du salarié.
- Inaptitude constatée par le médecin du travail, sans solution de reclassement.
- Perturbation du fonctionnement de l’entreprise due à une absence prolongée ou répétée, imposant de remplacer définitivement le malade.
- Motif économique : difficultés structurelles, suppression de poste ou baisse d’activité.
- Cause réelle et sérieuse : insuffisance professionnelle ou manquements répétés au contrat.
Dans quels cas la rupture du contrat pendant un arrêt est-elle autorisée ?
Le licenciement d’un salarié en arrêt maladie est autorisé uniquement dans des situations précises, comme l’inaptitude, la faute grave ou une désorganisation avérée de l’entreprise.
Motif réel et sérieux hors état de santé
Le licenciement reste possible si vous disposez d’un motif personnel indépendant de la maladie. Il doit être objectif, vérifiable et suffisamment grave pour justifier la rupture.
Quelques exemples de licenciement pour motif personnel :
- Insuffisance professionnelle (erreurs répétées, résultats insuffisants : cass. Soc, 4 janvier 2000, n°97-45.292).
- Mésentente persistante, documentée par des faits concrets (tensions internes, refus d’autorité : Cass. Soc. 13 octobre 1982, n°80-41231).
Désorganisation de l’activité
Une absence prolongée ou répétée peut perturber le fonctionnement de votre entreprise. Si un remplacement en CDI s’impose, un licenciement est alors possible.
3 conditions à cela :
- Désorganisation réelle de l’activité.
- Remplacement définitif du salarié malade.
- Maladie sans lien avec une faute de l’employeur (ex. : harcèlement, burn-out).
La désorganisation doit avoir lieu au niveau de l’entreprise et non du service auquel appartient le salarié. A défaut, le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 6 juillet 2022, n°21-10.261).
Inaptitude physique déclarée par le médecin du travail
Si, après examen, le médecin du travail déclare le salarié inapte à occuper son poste de travail en raison de son état de santé, vous pouvez envisager un licenciement pour inaptitude.
Cette mesure s’applique en l’absence de possibilité de reclassement ou de refus du salarié, que l’inaptitude soit liée ou non à l’activité professionnelle (maladie ou accident du travail).
Vous avez un mois pour agir. Au-delà, le salaire doit être versé à nouveau (Cass. soc., 10 janv. 2024, n° 21-20.229).
Faute grave ou lourde
Un arrêt de travail n’annule pas les obligations contractuelles. Si une faute (grave ou lourde) est commise avant ou pendant l’arrêt, un licenciement disciplinaire reste possible, généralement précédé d’une mise à pied conservatoire.
Quelques exemples :
- Arrêt maladie falsifié (Cass. Soc, 30 juin 2016, n° 15-16365).
- Envoi tardif du certificat malgré relances.
- Manquement à une clause (exclusivité, confidentialité : Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 22 13-531).
Licenciement pour motif économique
Vous pouvez engager une procédure économique même si le salarié est en arrêt, si les critères légaux sont réunis.
Quelques motifs possibles :
- Suppression de poste (Cass. soc., 5 avr. 2023, n° 21-10391).
- Baisse durable d’activité ou de chiffre d’affaires.
- Nécessité de rester compétitif (Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-22.756).
En cas d’accident du travail ou d’une maladie professionnelle
En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, la protection est renforcée.
L’article L1226-9 limite, en effet, la rupture à 2 cas :
- Faute grave du salarié (ex.: Cass. soc.,6 sept. 2023, n° 22-17.964).
- Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif extérieur à l’AT/MP (ex : cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise : Cass. soc.,11 septembre 2024, n°22-18.409).
En dehors de ces motifs, la procédure est nulle.
Comment engager une procédure de licenciement du salarié absent pour raisons médicales ?
Pour licencier un salarié en arrêt maladie, vous devez respecter une procédure rigoureuse, qu’il s’agisse d’un motif personnel ou économique. Un simple vice de forme peut invalider la rupture.
Convocation à entretien préalable
La convocation à un entretien préalable est obligatoire, même en cas d’arrêt maladie (article L1232-2. du Code du travail).
Elle doit indiquer :
- L’objet de l’entretien (licenciement envisagé),
- La date, l’heure et le lieu,
- Le droit du salarié à se faire assister.
Tenue de l’entretien préalable
Pendant l’entretien préalable, vous devrez exposer les motifs envisagés du licenciement (article L1232-3)
Le salarié peut présenter ses observations, même s’il est en arrêt.
Son absence (maladie ou refus) ne bloque pas la procédure, tant que les délais et formes sont respectés.
Notification du licenciement
La notification s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception, au minimum 2 jours ouvrables après l’entretien.
Il n’existe pas de délai légal maximal pour l’envoi de la lettre de licenciement pour motif personnel. Exception faite du licenciement disciplinaire, pour lequel il est fixé à 1 mois maximum après la date de l’entretien.
La lettre doit préciser :
- Le motif (faute, inaptitude, désorganisation…).
- Le droit pour le salarié de demander des précisions sous 15 jours.
- La date d’effet de la rupture.
Préavis
Le salarié doit exécuter son préavis, sauf en cas de :
- Licenciement pour inaptitude (ex : Cass. soc., 29 avril 2025, n° 23-22.191)
- Licenciement pour faute grave ou lourde.
- Dispense par l’employeur.
Procédure spécifique en cas de licenciement économique
Enfin, vous pouvez invoquer un motif économique pour licencier un salarié en arrêt maladie.
La procédure varie selon la taille de l’entreprise et le nombre de salariés concernés.
Les étapes obligatoires de la procédure de licenciement économique :
- Information et consultation obligatoires.
- Adaptation et reclassement.
- Entretien préalable.
- Lettre de licenciement.
- Préavis de licenciement et fin du contrat.
- Priorité de réembauche.
En cas de non-respect des obligations (ordre, reclassement, consultation), le licenciement peut être déclaré nul.
Quelles indemnités verser au salarié licencié durant son congé maladie ?
Un salarié licencié pendant un arrêt maladie peut percevoir plusieurs indemnités, sauf en cas de faute grave ou lourde. Leur montant dépend du motif du licenciement et de l’origine de l’arrêt.
Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
En principe, une indemnité de licenciement est due, sauf si le contrat est rompu pour faute grave ou lourde.
Son calcul dépend :
- de l’ancienneté du salarié.
- du salaire brut perçu avant l’arrêt (moyenne des 3 ou 12 derniers mois, selon la formule la plus favorable).
- des éventuelles dispositions plus avantageuses issues de la convention collective.
Indemnité compensatrice de préavis
Un salarié en arrêt est souvent dispensé de préavis, mais peut percevoir une indemnité compensatrice.
4 cas doivent être distingués :
- Faute grave ou lourde : aucune indemnité.
- Inaptitude non professionnelle : ni préavis, ni indemnisation (art. L.1226-4), sauf dispositions conventionnelles.
- Inaptitude professionnelle : indemnité obligatoire.
- Dispense par l’employeur (hors inaptitude non professionnelle) : indemnité due.
Indemnité compensatrice de congés payés
Même en arrêt maladie, un salarié acquiert des droits à congés payés. Si ceux-ci ne sont pas utilisés à la rupture, une indemnité est due. Elle se calcule, sur la base de l’article L3141-24, soit sur :
- 1/10 de la rémunération brute de la période de référence.
- la rémunération qu’il aurait perçue pendant ses congés.
L’option la plus favorable au salarié s’applique.
Vous êtes redevable de cette indemnité, même en cas de faute grave ou lourde.
Tableau récapitulatif des indemnités selon le motif de licenciement.
Motif du licenciement
Indemnité de licenciement
Faute grave ou lourde
Oui ou non
selon l'exécution
Inaptitude non professionnelle
Inaptitude professionnelle
x2
ou CSP
Quels sont les risques d’un licenciement abusif ou mal motivé pendant un arrêt de travail ?
Un licenciement fondé sur une justification floue ou un motif lié à l’état de santé du salarié peut être facilement contesté. Et c’est votre crédibilité d’employeur, votre équilibre financier, voire la stabilité de votre entreprise, qui en pâtissent.
Licencier un salarié malade : attention à la discrimination
Un licenciement fondé, même indirectement, sur l’état de santé d’un salarié est nul. Le Code du travail (article L.1132-1) interdit de rompre un contrat pour cause de maladie, d’arrêt médical ou de handicap.
En cas de discrimination, le Conseil de prud’hommes (CPH) peut :
- Réintégrer le salarié avec rappel des salaires.
- Ou accorder des indemnités d’au moins 6 mois de salaire, cumulables avec celles liées au licenciement (préavis, congés…).
Un licenciement jugé discriminatoire constitue également un délit pénal puni, en vertu de l’article 225-2 du Code Pénal, par 3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende.
Licenciement sans cause réelle et sérieuse
En l’absence de motif valable, les juges peuvent requalifier la rupture en licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».
Vous risquez :
- une indemnité prud’homale de 1 à 20 mois de salaire (article L.1235-3).
- un rappel d’indemnités non versées (préavis, congés, licenciement).
- des frais de procédure.
- Une erreur de procédure (délais, entretien manquant…) peut suffire à invalider le licenciement.
- Le barème Macron ne s’applique pas en cas de nullité (discrimination, harcèlement…).
Harcèlement moral ou manquement à l’obligation de sécurité
Vous soupçonnez un salarié de « profiter » de l’arrêt maladie ? Prudence.
Si son état de santé découle d’une situation de harcèlement (Cass. soc., 6 mai 2025, n° 23-17.005), de surcharge de travail ou d’ambiance toxique, vous encourez une double
peine :
- Un licenciement nul.
- Et une condamnation pour manquement à votre obligation de sécurité (article L.4121-1 du Code du travail).
Bonus : peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? Mes conseils
Vous avez maintenant réponse à la question : peut-on licencier un salarié en arrêt maladie. Vous connaissez les conditions de licenciement. Pour autant, certaines erreurs de forme ou d’interprétation peuvent ruiner une procédure pourtant légitime
Les erreurs les plus fréquentes des employeurs
Un motif sérieux ne suffit pas : une procédure mal enclenchée peut invalider le licenciement. Parmi les erreurs fréquentes :
- Mention de l’état de santé dans la lettre de licenciement.
- Procédure lancée sans preuve suffisante de désorganisation et des difficultés de remplacement sous CDD.
- Oubli de consulter la CCN notamment sur l’éventuelle clause de garantie d’emploi.
- Faute prescrite ou non caractérisée.
5 conseils pour sécuriser votre procédure de licenciement
- Isolez un motif indépendant de l’arrêt maladie : désorganisation, suppression de poste, faute…
- Documentez les conséquences concrètes de l’absence : surcharge, déséquilibre du service, remplacement nécessaire (témoignages, mails, surcharge de travail…).
- Rédigez une lettre de licenciement claire, factuelle et juridiquement fondée.
- Vérifiez votre convention collective : reclassement, maintien de salaire, procédure spécifique.
- Et surtout, entourez-vous d’un accompagnement fiable. Je vous aide à sécuriser chaque étape. Contactez-moi pour faire le point sur votre situation.
FAQ
Est-il possible de licencier un salarié absent pour maladie en raison de la désorganisation de l’entreprise ?
Oui, si la désorganisation est prouvée et qu’un remplacement définitif est nécessaire.
Quels sont les droits d’un salarié en arrêt maladie s’il est licencié ?
Il conserve ses droits aux indemnités de licenciement, préavis (sauf faute grave et lourde) et congés payés. La protection dépend de l’origine de l’arrêt.
Un salarié en arrêt maladie peut-il signer une rupture conventionnelle ?
Oui, si le consentement est libre et éclairé. Son état de santé ne doit pas altérer sa compréhension des enjeux de la rupture conventionnelle.
Peut-on rester en arrêt maladie après un licenciement ?
Oui, si l’arrêt est prolongé. Le contrat est rompu, mais la Sécurité sociale peut maintenir l’indemnisation.
Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ?
Oui, pour un motif objectif sans lien avec sa santé. Toute rupture discriminatoire est nulle.
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